Villar en Val 31 Janv 2019
Randonnée au pays de Joseph Delteil.
Froide et humide matinée de Janvier : 11 Godillots bravent l'hiver et partent à l'aventure, sans trop savoir ce qui les attend ! Au fin fond des Corbières, à Villar en Val, petit village occitan d'environ une trentaine d'habitants, traversé par le ruisseau des Agals, bien fourni en ce moment.
Pendant que Jean-Jacques consulte le panneau indicatif du circuit, Carla et Viviane s'enthousiasment devant une sculpture avec une inscription qui les intrigue : " la Terre est la femme de mon corps ". La première interrogation mais pas la dernière, les cerveaux commencent à fumer !!!!!
Joseph DELTEIL, né en 1894 à Villar en Val de parents ariégeois, un père "bouscassier" , bûcheron et charbonnier et une mère, illettrée, qui ne lui parlera qu'en patois occitan mais ne pourra jamais lire ses livres.
Mort en 1978 et enterré à Pieusse ( Aude ).
Il se définira lui-même comme un "écrivain paléolithique" car appartenant au monde de la campagne et du milieu paysan, totalement à l'écart de la société industrielle du XXe siècle.
( NB : Le Paléolithique est la période historique allant de - 3 000 000 d'années à - 10 000 ans environ au cours de laquelle ont évolué nos ancêtres, nomades, vivant surtout de chasse et de cueillette, ayant travaillé la pierre et maîtrisé le feu, construit des sépultures et manifesté les premières activités artistiques..... )
Nous quittons le village et découvrons un nouveau compagnon de randonnée qui ne va pas tarder à prendre les devants.
Et voici qu'apparaissent les premières citations plus ou moins "fumeuses" de notre écrivain cathare mais empreintes d'une grande philosophie ( Comprenne qui pourra tout de même !!! )
Nous suivons le cours d'un ruisseau : le Sou ( qui ne va pas nous rapporter grand chose d'ailleurs ) transformé en torrent par les pluies de ces jours-ci.
Arrivée au km 1,5 : bifurcation. Un panneau sur la vie de Delteil, que nous nous empressons de lire.
Et ce n'est pas tout : il y a l'autre face, qui laisse certains Godillots dubitatifs !
Mousses et lichens s'en donnent à coeur joie dans cette atmosphère très humide.
Ayant pris le circuit court du sentier en poésie, nous faisons demi-tour pour revenir sur le circuit long. Adieu la poésie !!!
Nous sommes sur une piste large mais boueuse, bordée de chênes verts et de bruyères. De temps en temps, un ruisseau à traverser, histoire de garder les pieds humides.
Elle nous amène à une bifurcation ( km 3) : à droite, vers Bassanel mais nous partons à gauche pour longer le Sou, toujours avec notre compagnon.
Quelques notes de couleur au milieu d'une nature grisâtre :
- un Laurier-tin ou Viorne-tin ( Famille des Caprifoliacées )
- un Fragon petit-houx ( Famille des Asparagacées )
La végétation a changé : les sapins font leur apparition.
Petite halte pour faire le point : les nuages s'amoncellent et quelques bancs de brume apparaissent.
La neige des nuits précédentes borde le chemin et une pluie fine se fait sentir.
Il est temps de chercher un coin un peu abrité pour le casse-croûte ( nous sommes au Pas de Madame d'après la carte ).
Et notre compagnon ne va pas hésiter à demander sa part.
Le repas fut de courte durée, vues les circonstances. La brume nous enveloppe : les Godillots escargots, protégés par leurs ponchos, sont de retour.
Jean-Jacques prend la tête avec notre compagnon à 4 pattes : il va falloir quitter la piste. Nous sommes au km 6.
Et c'est là que les ennuis vont commencer : la descente commence, le sentier est peu ou pas visible, n'étant plus emprunté. Tout est trempé et très glissant. C'est la galère et il y en a pour 2 bonnes heures !!!!!
Nouvel obstacle : un ruisseau qui alimente le Sou et qu'il faut traverser : la solidarité va jouer.
Les glissades plus ou moins contrôlées se succèdent et nous y aurons presque tous droit.
Nous naviguons à vue grâce aux GPS de nos 3 pisteurs : Alain, Jean et Jean-Jacques. Les sécateurs sont de sortie car les ronces abondent.
" Il est où le chemin, il est où ?
Il est où le chemin, il est où ?
Il est là le chemin, il est là
Il est là le chemin, il est là. "
comme aurait pu dire Christophe Maé.
Mais si lui, cherche le bonheur, nous, nous cherchons notre sentier ( ce qui ferait notre bonheur d'ailleurs ).
Encore et toujours de l'eau. On refait le point en permanence.
L'occasion de dénicher ( on trouve le bonheur où on peut ! ) quelques champignons, non comestibles malheureusement, sans pied et de consistance gélatineuse :
- Un Auriculaire mésentérique, à la belle couleur jaune
- des Polypores versicolores ( ou Stérées hirsutes ? )
Nous débouchons enfin dans un champ, avec au fond le domaine de La Pradeille et la route derrière. Un grand ouf de soulagement, pour nous et notre compagnon.
Il reste encore 1,5 km à parcourir mais sur route : Villar en Val n'est pas loin.
Les premières maisons et un Beagle amical nous accueille tandis que notre compagnon s'est empressé de rejoindre sa tanière, fourbu mais heureux de revoir ses maîtres.
Fin de l'épopée DELTEIL.
Pour nous réconforter, voici un extrait d'une de ses oeuvres :
"Il était une fois un fils de fée qui s'appelait M. Jean-Jacques. il allait à travers cœurs et champs à la poursuite de son fol instinct, tirant la langue aux principes et l'oreille aux lois. Il pratiquait un peu l'amour, versait des larmes sous le ciel, et contait tout son cœur aux choses, son cœur, bon et mauvais.
Je le vois grand, long, avec un front bleu de violoncelle et d'herbier. "Ses yeux étaient comme deux astres" . Ils flamboient à mort dans un visage ruisselant de passions et de pleurs.......
C'est le "pauvre Jean-Jacques" qui prend toute mon imagination, tout mon cœur; ce "pauvre Jean-Jacques" qui roule son âme dans son cagibi solitaire, parmi des cahiers de musique, avec l'accent de la passion et de l'humanité; cet ami; ce frère."
J'ai cru un moment qu'il parlait de notre Jean-Jacques mais il s'agissait en fait de J-J.Rousseau.
Et pour finir quelques citations de notre Joseph Cathare :
" Ecrire, c'est fraterniser; c'est fraterniser en jouant; c'est fraterniser en jouissant. Ecrire, c'est faire l'enfant..
Pourquoi changer le monde (trois milliards d'hommes) quand il me suffit d'en changer un seul : moi-même!
Qui voit le chêne dans le gland voit Dieu dans le chêne.
L'homme est une flèche à la poursuite d'un rêve.
Ourson d'aspect, Cathare d'âme, paléolithique de coeur. ....
Profond mais humain et superbe, non ? A la vôtre !!!!!!!!!!
Voilà une rando peu enthousiasmante : 12 km sous la pluie et dans la brume et le froid, la moitié du chemin dans "la jungle" , ce qui n'est pas à recommander.
Il faudra à l'avenir soit n'en faire que la moitié avec retour par le même chemin à partir du Pas de Madame pour un itinéraire à la journée ( 11 km ), soit se contenter du seul Sentier en poésie ( 6,5 km ).
A voir pour une autre fois, ne serait-ce que pour "revoir Joseph Delteil" .
Jacques ou l'infortuné Cathare.