Ile Sainte Lucie 1er mars 2017
Le dicton nous dit : « en mars, quand le merle a sifflé, l'hiver s'en est allé ». Aucun merle siffleur parmi les 15 Godillots présents. Il faudra donc attendre un peu pour être sûrs que malgré ce soleil printanier, l'hiver touche vraiment à sa fin.
Pour accéder au site, nous traversons La Robine par la passerelle de l'écluse. Ce canal qui occupe un ancien lit de l'Aude a été aménagé à partir de 1686 pour relier l'Aude à la Méditerranée en passant par Narbonne.
Plus tard, en 1776, le canal de Jonction est creusé entre l'Aude et le canal du Midi. L'écluse de Sainte Lucie est construite en 1872 et une ancienne métairie est transformée en maison éclusière. Des éclusiers y logent de 1873 à 1996, date à laquelle l'automatisation de l'écluse rend cette fonction obsolète.
En 1996, le canal du Midi, la Robine et l'ensemble des bâtiments afférents, dont la maison éclusière,sont classés par l'UNESCO au « Patrimoine Mondial de l'Humanité ».
La création de la Réserve Naturelle Régionale de Sainte Lucie en 2009 affirme la beauté exceptionnelle des espaces naturels environnants.
Vue sur La Robine, souvent appelée à tort canal de La Robine, alors que Robine est déjà par définition un canal, déformation du mot Roubine, canal de communication.
L'écluse franchie, un chemin nous invite à la découverte de cette île, site remarquable au cœur de la lagune narbonnaise.
Depuis l'Antiquité, le golfe narbonnais fut le théâtre d'un important trafic maritime. L'île a ainsi conservé les traces d'un passé riche de plus de vingt siècles d'occupation humaine.
Son ancien nom, Cauquenne signifie le port en ibère, langue parlée avant l'arrivée des Romains (2ème siècle avant J.C.). L'île prendra plus tard le nom de la chapelle existante au XVII ème siècle.
La végétation est très variée : cistes avec une première fleur qui est là comme pour nous souhaiter la bienvenue, pistachiers lentisques, chênes verts, pins d'Alep, etc...,
Nos pas nous conduisent à une ancienne carrière de molasse marine. Les pierres qui en furent extraites permirent l'édification de la tour de Barberousse à Gruissan et, en partie, de la cathédrale St Just de Narbonne.
Des murets en pierres semblent nous accompagner dans notre périple. Ils délimitaient autrefois des parcelles de vignes, culture dominante sur l'île jusqu'à la seconde guerre mondiale. Depuis, les paysages ont bien évolué. A l'abandon de la vigne, les pins d'Alep ont colonisé les lieux. Ceux-ci qui conféraient un nouveau visage de l'île ont été dévastés par la violente tempête de 2009. Si un important nettoyage a été effectué, il reste encore quelques traces de la tornade.
Par endroits, la main de l'homme a invité les amandiers et les oliviers à venir occuper de nouveaux espaces laissés libres par les importants travaux de défrichage.
Les premiers muscaris négligés pointent leur nez.
Nous longeons l'anse de Cauquenne. (Cette crique abritée des vents du large a livré des vestiges témoignant d'une activité portuaire antique. Elle porte l'ancien nom de l'île :Insula Cauco : île du port),
et nous arrivons au site de la vigie dénommé ainsi car une caserne abritait sur l'île un corps de douaniers chargés de surveiller la récolte du sel. Abandonnés lors de la création de la gabelle royale au XIV ème siècle, les salins de Sainte Lucie ont été recréés au XIX ème siècle.
Méfiance, les douaniers sont de retour comme en atttestent ces quelques clichés.
Rien à déclarer côté Corbières, hormis les reflets argentés sur l'étang de Bages-Sigean.
Côté sud, on aperçoit Port La Nouvelle et en premier plan, toute minuscule, une île pas très connue : La Nadière. Le nom de Nadière, vient de l'occitan nadar, nager.
Pour reprendre les sources du PNR (Carnet du Parc n°6) :
« L'installation d'un habitat semi-permanent sur La Nadière remonterait à 1836. Lors d'une épidémie de choléra, une partie de la population de Gruissan serait venue se réfugier sur l'ile Sainte-Lucie et une autre à la Nadière, où vinrent également des pêcheurs de villages voisins, notamment Sigean et Bages.
En 1838, un premier recensement fait état de vingt familles, soit une.... centaine de personnes.
Au fil des ans, l'île est habitée selon un mode qui combine sédentarité et nomadisme : l'été, la plupart des habitants la quittent pour aller pratiquer la pêche en bord de mer, plus rentable en cette saison. A l'automne, au plus fort de l'activité saisonnière, La Nadière accueille pêcheurs venus de Leucate et, même d'encore plus loin , du Barcarès et de Saint-Laurent de la Salanque.
Lorsque l'île fut habitée de façon régulière, les constructions restèrent longtemps des plus primitives : des cabanes faites avec des algues, couvertes de vieux cordages et de débris de navires.
Les premières maisons furent orientés nord-sud pour prêter moins de prises au vent et aux embruns. Petit à petit, La Nadière se mit à ressembler à un vrai village. Malgré de bons moments de convivialité partagés sur cette île, les conditions de vie très spartiates (absence d'eau, de provisions, d'école, de cimetière....) et la rudesse du climat, allaient conduire à sa désaffection au début du siècle dernier, les insulaires préférant le confort et le chauffage des maisons de Port La Nouvelle. En 1943, les Allemands font évacuer les derniers habitants.
Depuis, quelques tentatives de réhabilitation ont échoué. »
Aujourd'hui, seul le train qui passe à travers l'étang permet d'avoir une vision fugitive, presque comme dans un mirage, de cette île mystérieuse.
Vue d'une cave viticole partiellement réaménagée après la seconde guerre mondiale pour l'élevage de porcs. Ces caves abritaient un important volume de cuverie. Des caves rupestres creusées à même la molasse marine ont livré des tessons de bouteilles en verre soufflé.
Après le patrimoine bâti, voici un nouvel aperçu de la flore patrimoniale :
Pervenche mineure (Vinca minor) Fleur des sorciers et des poètes, la Pervenche entrait au Moyen Age dans la composition des philtres d'amour. Elle fut utilisée contre les hémorragies nasales ou les angines. Mais c'est surtout un hypotenseur et un stimulant de l'appétit.
Spéciale photo dédicace pour Francine qui est tombée en admiration devant ces arbres morts au travers desquels elle a pu distinguer sur l'étang quelques foulques et un cormoran.
Belle vue sur La Robine. Au début du XIX ème siècle, comme le mentionne un panneau indicateur, le prolongement de ce canal à l'est de l'île, jusqu'à Port La Nouvelle, va modifier la nature des zones humides, désormais alimentées en eau douce.
On pourrait presque croire que deux bretonnes nous ont rejoints avec leur célèbre coiffe bigoudène... Ces coiffes sont en fait, les piliers d'un ancien portail ; nous sortons de l'île.
Près de 7 kilomètres de sentiers nous auront ouvert de magnifiques perspectives sur les étangs, les Corbières, Port La Nouvelle et Narbonne.
Les cistes prêts à éclore, rencontrés tout au long du parcours, sont une invitation à revenir dans les prochaines semaines pour voir une île Sainte-Lucie toute en fleurs.
Daniel